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BD et FLE – Le piano oriental (Partie 3)8 minutes de lecture

Posted bys2a 1 mai 201830 juin 2021 Leave a comment on BD et FLE – Le piano oriental (Partie 3)<span class="wtr-time-wrap after-title"><span class="wtr-time-number">8</span> minutes de lecture</span>

3ème étape du voyage : la musique, les sons, des onomatopées à la parole

Les sons sont omniprésents dans cette BD. Celle qui en parle le mieux, c’est encore l’autrice. Écoutons-la !

Une vidéo postée par la librairie mollat le 14 févr. 2016 lors d’une rencontre avec Zeina Abirached autour de son ouvrage “Le piano oriental” aux éditions Casterman à l’occasion du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2016.

J’aurais pu consacrer un article de PhonFLE à cet ouvrage, tant les liens avec la musique, la musicalité de la langue et les sonorités sont présentes mais cela me semble plus pertinent de l’envisager comme une étape du voyage.

La musique

C’est, cela ne vous étonnera sans doute pas, le piano oriental qui constitue le fil rouge de ce livre.

La musique est représentée par les portées, les dessins de clavier ou de piano complet.

Pages 38 et 39, alors que deux des personnages prennent la mer pour les besoins de leur projet lié au piano, je n’ai pu m’empêcher de penser au poème de Baudelaire “La musique” : vagues et portées se mêlent graphiquement, l’humeur des personnages est représentée de manière marine, par comparaison entre la nage de petits poissons volants allegro avec des pointes presto pour Abdallah et la nage adagio d’un poisson plus pesant et placide pour Victor.

La musique qui s’échappe de l’imagination d’Abdallah est représentée par des volutes et des trajectoires.

La musique qui s’échappe du piano est quant à elle représentée par des bulles contenant des notes de musique, doubles croches, noires ou blanches selon qu’elles correspondent à l’une ou l’autre des traditions musicales, orientale ou occidentale. Le quart de ton, la clé du changement “de langue” du piano. Le changement de ton lié à la danse de la pédale de sourdine se transforme bientôt en personnages dansant sur la portée. Je ne veux pas être exhaustive ici et vous invite à faire vous-même la rencontre de ce piano bilingue qui danse autant qu’il chante, qui tisse, dessine des motifs, avec des nuances d’un quart de ton.

Décidément, cette BD résonne de correspondances textuelles, visuelles, sonores.

 

Sons et onomatopées

Les sons sont des éléments également très présents dans cette œuvre. Et comment transcrire le son sur un support écrit ? Les onomatopées pardi !

Pour vous donner une idée de l’importance des onomatopées, sur la première planche, la première ligne est consacrée au dessin, à l’image.

La seconde contient uniquement des images, des onomatopées et un encadré narratif (désolée, je n’ai pas révisé le jargon de la BD et bien qu’une recherche sur internet ou dans mon exemplaire de l’Art invisible de Scott McCloud me donnerait le terme exact, j’ai choisi aujourd’hui la périphrase.

La dernière ligne constituée d’une seule case comprend enfin une bulle contenant de la parole (adressée à un oiseau), à côté d’onomatopées et de notes de musique.

L’univers sonore est rendu par la forme des bulles et encadrés dans lesquels les onomatopées sont écrites :

  • rondes pour les notes de musiques et autres sons aigus comme le “tû” “tû” “tû” qui accompagne un geste de refus de l’index ou le “piiip” d’un klaxon
  • ovales pour les “cui” “cui” du canari ou les “po” “po” “pom” fredonnés,
  • sous forme de goutte lorsque le sucre tombe dans le café “plouf”,
  • tordues pour le café aspiré “slurp”
  • pointues pour le bruit des chaussures qui couinent “scrouitchi”
  • rectangulaires pour les “rfffzz” et “zzzz” d’un personnage endormi ou les “clica” et “krrrr” d’une caisse enregistreuse
  • etc.

Ce ne sont que quelques exemples pour attiser votre curiosité, vous donner envie de faire attention à cet univers sonore qui accompagne la lecture.

La prosodie et les onomatopées sont également abordées du point de vue culturel lors de l’arrivée de l’un des personnages à Paris dans le passage ci-dessous :

Il a fallu (…) s’habituer à certaines formules incontournables.

Par exemple quand la boulangère vous dit “Et avec sessiiii ?” Il faut absolument répondre “Ce sera tout mersssiii !” pour que selon un accord tacite elle rétorque invariablement “En vous rmèrssyaant !”

S’amuser des différences d’onomatopées, de la physionomie que chaque langue induit :

Étonnement français “Rhooo !” (bouge plutôt ronde et grande ouverte) / étonnement libanais “Ufffff !” (yeux grands ouverts et bouche plus petite)

J’ai froid français “Bvvvv !” (lèvres en avant) / J’ai froid libanais “Ahhhh !” (bouche grande ouverte) *Prononcer les h

et des gestes anodins au Liban qui, en France, sont totalement hermétiques.

Je trouve très inspirant ce passage et notamment la mise en orthographe et en images de l’intonation et de l’accentuation par l’autrice. Transcrire ce qu’on entend avec ses propres outils (c’est-à-dire sans utiliser dans un premier temps l’alphabet phonétique international) permet de développer l’écoute fine, de faire des analogies avec son propre système orthographique. L’utilisation des “ss” à la place des “c” dans “ceci”, “merci” et “remerciant” montre que le son identifié est bien /s/. Par ailleurs, l’attention portée à la prononciation semble avoir permis à l’autrice d’identifier rapidement l’accentuation finale et allongée en français. Par le côté comique de la situation, elle semble mieux saisir et mémoriser ce qui constitue une identité sonore du français à l’époque et dans le lieu où elle l’a appris.

Dans mes formations de phonétique, j’évoque à chaque fois le lien entre l’apprentissage d’une langue et le rapport affectif à celle-ci et plus particulièrement à sa gestuelle et à ses sonorités et la nécessité de prendre conscience de ses représentations par rapport à une langue. (en m’appuyant sur le travail de Bertand Lauret de 2007 “ Enseigner la prononciation du français : questions et outils, Hachette FLE.”).

Le rapport aux mimiques et à la gestuelle est abordé dans le passage ci-dessus. Le personnage s’en étonne et s’en amuse. Certain.e.s apprenant.e.s ont d’autres réactions, plus ou moins consciente, parfois de rejet.

L’autrice aborde la  question du rapport affectif à la langue au moment où elle raconte l’entrée à l’école de l’un de ses personnages. Je vous copie ici ce passage :

Dans le couloir des CP, il y avait une fresque représentant les personnages de Walt Disney du “Livre de la jungle”. J’étais convaincue que j’étais là pour apprendre à dessiner aussi bien… (…)

Au lieu de ça, on avait des cours. En arabe (…)

et des cours en français. On m’avait trompée. (…)

Je me souviens parfaitement de mon livre de vocabulaire français en CE1.  (…)

Toutes les illustrations étaient donc en noir et blanc. (…) Dans ces livres scolaires, je me suis construit mes premières images de la France. (…)

C’était exotique. Paisible… et rassurant.

À la même époque, les lecteurs de VHS au Liban étaient calibrés pour le système colorimétrique américain (PAL). (…)

J’ai ainsi longtemps associé la langue française au noir et blanc.

(…) Les mots en français étaient devenus un refuge. (…)

(…) J’étais nulle en arabe et pour couronner le tout, je n’arrivais pas à rouler les “R”. (…) Je grasseyais.  (…) C’était ridicule (…) et pénible. (…)

À 8 ans j’étais une parfaite “franji coucou” comme on dit en arabe pour désigner ironiquement un francophone. (…) avec tout ce que ce quolibet peut avoir de comique… (…) et d’humiliant.

Je trouve la fin de ce passage particulièrement intéressante car elle aborde via un témoignage les enjeux de parler une langue ou une autre dans sa vie de locuteur.ice bilingue, les enjeux en fonction de l’environnement, les enjeux sociétaux. Le lien avec le psychisme aussi : les facilités ou les difficultés liées à la prononciation d’une nouvelle langue peuvent être liées au psychisme de la personne, à sa personnalité, à son appétence pour la langue, à un lien transmis par un.e proche, à un blocage etc. (Je vous laisse découvrir pourquoi le français était un refuge 😉 ).

Autant de questions qui peuvent se poser ou pas à un.e. apprenant.e de FLE, consciemment ou non.

 

 Le + pour le FLE :

  1. L’extrait sur l’entrée à l’école répond à la question “si le français était une couleur, il serait ?” d’une activité de portrait chinois.

On peut tout à fait imaginer un portrait chinois phonétique :

Si le français était un instrument de musique, il serait ? Si c’était une couleur ? Une voyelle ? Une consonne ?

C’est d’ailleurs le type de question que propose Lauret dans l’ouvrage mentionné plus haut pour effectuer avec les apprenant.e.s un premier autodiagnostic qui questionne le rapport à la langue française.

2. Une autre activité à tester : transcrire à l’image du passage à la boulangerie un extrait d’un dialogue en français et comparer les différentes transcriptions, expliquer les choix orthographiques.

3. Tâche : réaliser une cartographie des différentes onomatopées.

Après avoir observé quelques planches et relevé des onomatopées présentes dans celles-ci, lister les onomatopées que vous utilisez le plus fréquemment dans votre langue. Décrivez la situation et mimez-là pour que chacun.e propose l’onomatopée équivalente dans une de ses langues, si elle existe.

Cette tâche est inspirée du livre Cris d’Europe qui peut être utilisé en complément pour donner des sources d’inspiration quant à la forme de la cartographie.

Un exemple réalisé avec un autre support se trouve sur mon compte twitter

 

Tags: FLE, FLI, Kaléidoscope, non classé, phonFLE,

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